Depuis peu, le Ministère de l'Intérieur a pris la décision de moderniser les techniques de travail policières, notamment en augmentant les outils de surveillance. Ces technologies, censées rationnaliser le travail policier et le rendre moins arbitraire, ne semblent par adoucir les modes de contrôle habituels. Bien au contraire, cela paraît même légitimer des moyens de contrôle plus agressifs. Décryptage d'une problématique de société.
Débutée dans les années 1980, la collecte des données personnelle a immédiatement soulevé de grands débats. Les technologies de surveillance sont vues comme "des instruments de contrôle social", portant atteinte aux libertés individuelles et à la vie privée. D'un autre côté, elles permettent le développement de nouvelles stratégies de lutte contre la criminalité et la délinquance.
Initialement mise en place pour éviter le recours à la force et cibler les actions, les technologies de surveillances ont, en réalité, eu l'effet inverse. L'usage de la force s'est durci, lors de contrôles par exemple. C'est, d'ailleurs, ce qui fait que la police est plutôt vue comme une entité répressive, voire menaçante, que protectrice. Dans les zones compliquées, la police est vue comme punitive, tandis que les habitants trouvent qu'elle manque d'efficacité. Le climat entre civils et policiers s'est dégradé, pour être aujourd'hui mêlé d'irrespect et de brutalité.
Le renfort des technologies de surveillance des usagers de la route est également responsable : loin de voir cela comme quelque chose de sécuritaire, la sensation est plutôt celle d'une surveillance excessive et de tous les instants.
Nouvelles technologies, nouveaux modes de travail
Paradoxalement, si les technologies de surveillance sont une révolution technique destinée à faciliter le travail des policiers, elles sont mises en place en même temps que de nouvelles méthodes de travail par objectifs quantitatifs. Un travail dépersonnalisé et qui encourage à punir les "petits" délits (querelles, conflits de voisinage, etc.), et dont les technologies de surveillance se font complices.
Certains services apprennent à réadapter leur travail à ces technologies, afin de gagner en efficacité. Par exemple, le Service Régional de Police des Transports les utilise pour créer des "cartographies criminelles", ainsi que des bases de données pour anticiper les délits, notamment les vols (2/3 des actes). Rationnalisant le travail, ces technologies permettent aussi d'éviter le contrôle "au faciès", très mal vu (notamment à cause des pratiques de profilage ethnique). Pour cela, 10 000 caméras supplémentaires vont être installées sur l'ensemble du réseau ferré national. Le but ? Cibler les zones à risque et affiner les actions policières.
Pour d'autres services, il est difficile de voir les avantages qu'ils peuvent retirer des technologies de surveillance, surtout en termes de rationalisation du travail. Implanter les technologies est compliqué, car cela demande un profond changement dans la façon de travailler. Or, au vu du travail par objectifs, les technologies servent surtout à légitimer la force dans la punition de "petits" délits.
Une inquiétude partagée alors est que la police semble avoir tous les droits, autant en matière de violence que de collecte des données. Le travail policier doit être totalement repensé de manière à intégrer ces technologies en toute quiétude.
Pour en savoir plus, voir l'article de Anaïk Purenne et Anne Wuilleumier : "L'Introduction des technologies de surveillance dans le travail policier. Facteur de changement ou de réassurance?"
Photo : Jannis Andrija Schnitzer, Flickr.